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Histoire d'une restriction cognitive: le cas de Mme D.

Dernière mise à jour : 8 févr. 2022

Aujourd'hui nous abordons pour la première fois un concept dont nous vous parlons souvent à l'Envol et qui reste pourtant méconnu du grand public : la restriction cognitive.

Pour vous décrire ce trouble du comportement alimentaire, prenons l’exemple fictif d’une femme, Mme D., développant une restriction cognitive sévère sur 15 ans. Nous vous invitons à repérer les processus psychologiques en jeu pour Mme D.

Ce texte, qui vous sera peut-être difficile à lire, est volontairement détaillé : il illustre très précisément ce trouble et servira d’appui à nos prochaines newsletters.

Enfin, sachez que si vous souffrez de restriction cognitive, vous n’en êtes pas responsable. Les régimes le sont.

Nota bene : les mots indiqués entre guillemets sont des citations de Mme D.

« Mme D. a 41 ans. Elle est mariée et mère de 3 enfants, active professionnellement, et en pré-diabète.
Mme D. est issue d’une famille aimante, mais dans laquelle le poids a toujours été un sujet. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours vu sa mère « au régime ».
Mme D. n'a pas vraiment de problèmes de poids avant ses grossesses mais, influencée par les gros titres de la presse féminine, entreprend par le passé quelques régimes trouvés dans les magazines (soupe au choux, régime cuillère à café, prise de coupe-faim, suppression du sucre au profit de produits light). Ces phases de contrôle alimentaire passagères lui permettent de perdre quelques kilos avant « l'épreuve » du maillot de bain du mois d'août. Elle reprend ces kilos pendant les vacances avec les tentations estivales d’apéros et de barbecues, et « se lâche ».
Mme D. perd tout le poids de sa première grossesse en entamant pour cela un régime basé sur le décompte d'un forfait de points, chaque aliment consommé correspondant à un nombre de points prédéterminé. Le régime est facile : exit les pâtisseries à 13 points, bonjour les tranches de jambon découennées et dégraissées à 1,5 points.
Mme D. est plutôt satisfaite de perdre aussi vite et sans avoir faim, même si elle ne pas « réussit » à respecter la phase de stabilisation. Elle pèse 2 kilos de plus que son poids avant grossesse.
Malgré l'arrêt de ce régime, Mme D. réalise qu'elle commence à éprouver des difficultés à manger des aliments à haute valeur en points, comme si elle avait intégré qu'ils la feraient grossir. Elle se met à compenser en mangeant en grande quantité les aliments « autorisés à volonté » qui selon elle n'auraient pas d'impact sur la pesée. Elle garde cette logique de sélection des aliments « autorisés » sur les années suivantes et prend malgré tout quelques kilos supplémentaires.
Trois mois après la naissance de son deuxième enfant, Mme D. « recommence le régime » à points pour perdre ses kilos, mais sa motivation n'est pas aussi facile à maintenir que la première fois. Au bout de 3 semaines, Mme D. se décourage et « craque » sur des aliments à haute valeur en point qu'elle mange avec avidité, à s'en faire parfois mal au ventre.
Frustrée de ne pas réussir à se contrôler pendant ce nouveau régime, Mme D. reprend plus que le poids perdu. Elle se dit à chaque « excès » qu'il faudra qu’elle se « remettre à la diet » pour redevenir « mince ».
2 ans après sa deuxième grossesse, Mme D. commence un régime hyperprotéiné. Il consiste à s'alimenter de viandes maigres (volailles blanches notamment), d'œufs, de galettes de son d'avoine, et de yaourt 0%. Quelle simplicité ! En quelques semaines Mme D. est « récompensée » avec 8 kilos de moins sur la balance, au prix de quelques sacrifices quand même : finis les féculents, les biscuits, le beurre, et même les fruits... Chaque kilo perdu est célébré d’une petite récompense : un nouveau sac, un rendez-vous chez la masseuse, mais aussi... un dessert chez le pâtissier du bas de la rue.
Les pensées culpabilisantes apparaissent chez elle, à mesure que les « écarts » deviennent difficiles à éviter. Un soir en rentrant à son domicile, particulièrement frustrée par sa journée de travail, elle ne parvient pas à se contrôler devant le gratin de pâtes que son mari avait préparé pour les enfants et, en cachette, l’engloutit une fois la famille couchée.
La balance devient une obsession, et Mme D ; pense à son poids plusieurs fois par jours. Le moindre kilo gagné la complexe, et, d’un jour à l’autre, détermine son humeur : si elle affiche 300grs de moins, alors la journée est légère et ensoleillée, mais si elle en prend 400, un sentiment désagréable l’accompagne pendant plusieurs heures. Même lorsqu’elle parvient à ne pas se peser tous les jours, l’insatisfaction de son corps revient autrement, devant le miroir des cabines d’essayage, à la piscine, face à sa penderie quand elle se prépare pour sortir.
Mme D. se prend parfois à faire du sport, court 3 fois dans la semaine, puis arrête complètement. Elle tente de jeûner sans succès.
Elle rage de ne pas réussir à fermer son pantalon mais préfère s'y sentir inconfortable plutôt que d'acheter une taille supérieure.
Les phases alternées de restriction/compulsion se chronicisent et les « craquages » se soldent par un lourd sentiment de dévalorisation.
Malgré ses efforts Mme D. détermine ses choix alimentaires selon le « bon » ou le « mauvais ».
Mme D. reprend tout son poids, et bien au-delà encore.
Pendant sa troisième grossesse Mme D. mange sans aucune limite : « c'est ma dernière grossesse, je me fais plaisir ». 23 kilos sont pris pendant la grossesse, mais la balance affiche surtout 16 kilos de plus depuis son premier régime. Incapable de réappliquer la méthode du premier ni du deuxième, mais toujours obsédée par l'envie de maigrir, Mme D. se tourne vers une conseillère en nutrition, spécialisée dans la vente de sachets hypocaloriques. Une dépense certes, mais plus besoin de se compliquer la vie à « cuisiner régime » : les sachets se consomment plusieurs fois par jour, et sont composés de tout ce qu'il faut pour être en bonne santé (minéraux, vitamines, etc. ...)... Un repas « libre » par jour est possible, pendant lequel tout est permis ! Mme D. en profite pour manger tous les plats « interdits » lorsqu'elle faisait le régime. Les premières semaines sont simples, les kilos s'envolent, mais de façon moins spectaculaire que les fois précédentes... Le corps ne semble plus dupe de ces changements alimentaires drastiques. Mme D. consomme de plus en plus difficilement ses sachets, qui commencent à la dégoûter. Elle ne sait plus si elle a faim ou non, mange par automatisme, ne perd presque plus de poids et se réfugie compulsivement dans les barres chocolatées qu'elle mange en se blâmant.
Les sachets sont progressivement abandonnés et le comportement alimentaire est de plus en plus anarchique, déconnecté de toute sensation physiologique.
Désormais, à chaque fois qu'elle mange et quel que soit l'aliment, Mme D. entend une voix lui dire « ça fait grossir, ça ne fait pas grossir »
À 41 ans, 15 ans après son premier régime, Mme D. a pris 23 kilos. Elle ne sait plus comment manger, ne supporte pas son reflet dans le miroir, est sujette à des compulsions alimentaires (le plus souvent sucrées), et se sent souvent triste. Elle demande des conseils à son médecin généraliste pour rompre ce cercle vicieux et se soigner de cette obsession du poids qui l’empêche d’être aussi heureuse qu’elle le mérite. »

La restriction cognitive est un trouble du comportement alimentaire, caractérisé par une alternance entre un état de contrôle volontaire de l'alimentation -dans le but de maintenir ou perdre du poids- et un état de perte de contrôle de l'alimentation. Chaque épisode de perte de contrôle renforce la volonté de revenir à l’état de contrôle (L'Envol, 2021).

Vous vous retrouvez en Mme D. sur certains aspects ? Vous pensez avoir développé une forme de restriction cognitive à cause des régimes ? N’hésitez pas à nous contacter pour que nous puissions vous aider.

Prenez soin de vous et à la semaine prochaine,

L’équipe de l’Envol

Article rédigé par Elvire Alessandrini, psychologue clinicienne coordinatrice et fondatrice de l'Envol


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